FATIMA : DE LA MORTIFICATION EN GUISE DE SPIRITUALITE

 

A genoux, à quatre pattes, rampant sur les coudes, transportant un enfant sur les épaules, dans les bras, arborant des cierges, des seins, des yeux, des membres, des têtes, des poupons en cire qui fondent sous le cagnard, des femmes pour la plupart, des femmes du peuple abîmées par la vie parcourent en se traînant un déambulatoire de travertin et se dirigent vers la Campellina. Même des enfants ! Quelques hommes mais nul fonctionnaire de dieu… Aucune bourgeoise qui s’abaisserait à ce niveau, aucune nonne. Des époux et pères accompagnant des pénitentes et sur leurs visages on peut lire une gêne, voire une honte certaine à les côtoyer. Regardez mes images !

Les objets en cire sont jetés dans des tiroirs à la fin de la déambulation et sont censés être brûlés par la suite… conduite magique alimentant les commerces, enrichissant les seuls marchands du temple et ceux, associés de l’église.

J’observais un curé français qui contemplait avec délectation ce spectacle qui me consternait ; il sentit mon regard et se tourna vers moi : « Quelle ferveur, quelle spiritualité ! » Ferveur certes mais quelle spiritualité ? Dans les visages austères des pénitents en souffrance ? Dans Je vous salue Marie répété des dizaines de fois tel un mantra ?

Je n’ai lu aucun épanouissement, aucune extase sur les visages des pénitents. Qu’ont-ils à se reprocher, de quoi ou qui veulent-ils guérir pour se fustiger de la sorte ? Ils ont obéï aux recommandations d’un prêtre qui leur a certifié que la Vierge Marie leur serait gré de la torture qu’ils s’infligeraient et qu’elle prendrait en compte leurs prières, leurs vœux… Sur une bannière arborée par des jeunes croyants on peut lire : « Love, Prayer, Sacrifice » ! Amour, prière et sacrifice ? A l’imitation du sacrifice d’un soit-disant dieu fait homme ?

J’ai photographié trois fois la même pénitente qui rampait sur ses coudes en août 1991, aux mois de juin 1993 et 1994. Un membre du service de sécurité m’a affirmé en français qu’elle venait tous les mois se donner en spectacle : « Il faut croire que la Vierge est sourde à ses prières ! » lui ai-je déclaré. Son sourire m’a fait comprendre qu’il partageait ma constatation. Faut-il en rajouter et rappeler que Jacynthe et François deux des trois des petits bergers qui ont hallucinée la Vierge en 1917 sont morts de la grippe espagnole dans l’hiver qui suivit. Merci Marie ! La troisième, Lucie, entrée en religion est décédée en 2005, peu après avoir reçu la visite de Jean-Paul II.

Un dominicain dans un ouvrage sur Fatima écrivait que ces postures et gesticulations étaient des pratiques populaires que les autorités ecclésiastiques portugaises ne sauraient empêcher. Si l’église pense que ces sacrifices physiques n’engagent que les pénitents, pourquoi, en pavant le long déambulatoire en travertin, chauffé à blanc en ces mois d’été, leur a-t-elle facilité – si je puis dire – la douleureuse pratique, l’a-t-elle encouragée ? Silence. Au moins à Lourdes, les malades sont véhiculés sur des fauteuils roulants ou des brancards évitant ainsi une souffrance supplémentaire, à moins qu’ils ne veuillent grimper à genoux, le fameux escalier « saint », la Scala Santa : « Prière de monter à genoux » est-il écrit en plusieurs langues.